Lorsque la marque a présenté le X1, la communauté des photographes passionnés s'est mise en ébullition: un compact à grand capteur, une ergonomie inspirée des appareils argentiques de la marque, une allure de petit M9 et un tarif de 1500 Euros presque "raisonnable" pour une création maison. Faut-il craquer pour ce petit appareil destiné à vous accompagner partout? Sur le papier, tout est parfait. Reste la validation pratique!
Design, ergonomie et prise en main
Extérieurement, l'inspiration du X1 est évidente! Petit M9, il semble minuscule lorsque l'on a manipulé ce dernier pendant un certain temps (lui-même faisant figure de lilliputien face au monde des réflex). Noir et argent, le X1 est bien construit, faisant la part belle au métal. Seule la trappe pour carte mémoire et batterie est classiquement en plastique, ainsi que les boutons et l'écran au dos. On aurait bien aimé un verre renforcé, mais vu le prix qu'il était facturé sur le M8.2, il ne fallait pas trop rêver. Par ailleurs, le gainage en simili cuir, doté d'un grain très fin, manque un peu d'adhérence: les grips en caoutchouc des réflex ont peut-être moins d'allure mais restent plus efficaces.
De face, on reste focalisé sur l'objectif (!), équivalent 35 mm avec une ouverture à f/2.8. Un peu modeste, surtout associé à un capteur APS-C sur lequel il sera d'autant plus difficile de jouer avec la profondeur de champ. Cela dit, l'objectif est qualitatif, avec un excellent piqué et un très bon rendu des couleurs. Le diaphragme à 7 lamelles donne un rendu agréable aux images. Autour de l'objectif, on pense deviner une bague de mise au point: il n'en est hélas rien, et l'on verra plus loin que c'est problématique. En lieu et place, il s'agit d'un cache pour accoler d'éventuels compléments optiques. Appareil éteint, cet objectif se rétracte. Le bouchon, à l'instar des réflex, n'est pas intégré, vous le rangerez dans la poche.
Pour voir le verre à moitié plein, il suffit également de se dire qu'au tarif des optiques de la marque, le reste X1 est presque cadeau!
2 molettes pour contrôler facilement vitesse et ouverture: un retour à la simplicité bienvenu!
Un petit tour sur la plaque supérieure de l'appareil. Ici pas de molette classique avec les modes de prise de vue: Leica a intelligemment placé 2 molettes, l'une pour la vitesse, l'autre pour l'ouverture. Lorsque les 2 molettes sont sur Auto, on est en mode programme. Si l'on utilise l'une d'entre elles, on passe respectivement en mode priorité vitesse ou priorité ouverture. Enfin, si l'on joue simultanément sur les 2 molettes, on est en mode manuel. Pratique, intuitif, et sans recours à des menus ou nombreux boutons comme c'est souvent le cas sur les compacts. Que les compétiteurs en prennent de la graine!
A l'extrémité, le flash est astucieusement intégré dans un cylindre. Il suffit d'appuyer dessus pour le libérer ou le ranger. Un autre clin d'oeil rétro qui donne un vrai cachet à ce petit appareil.
Le petit flash cylindrique ajoute au cachet de l’appareil, à l’allure décidément bien agréable
Au dos, l'ergonomie ressemble furieusement au grand frère, le Leica M9. Peu de boutons, et un accès direct aux fonctions photos (ISO, balance des blancs etc.). On note cependant que le pad dispose d'un bouton de validation en son centre, alors que celui-ci est dissocié sur le M9. Pour une fois, le petit frère fait mieux que l'ainé. De même, une seconde molette tombe sous le pouce, pour effectuer notamment la mise au point manuelle.
A l'allumage, on confirme également la cohérence avec les menus du M9, très proches. Peu d'options, on va ici à l'essentiel. On ne manque pas de remarquer une option "stabilisation", alors que ni l'objectif ni le capteur n'en sont pourvus! Le marketing l'emporte ici, et ce n'est qu'en lisant les petits caractères du manuel que l'on découvre vraiment de quoi il s'agit. Autant le désactiver, je regrette que la marque induise ses clients en erreur simplement pour s'aligner sur la concurrence... Par ailleurs, si l'on veut photographier en RAW, ce sera obligatoirement du DNG + JPeg, l'option DNG seul n'étant pas proposée.
A l’instar du M9, les menus sont simples et réduits aux options essentielles
A l'usage
Rien de mieux qu'une balade pour tester l'appareil. Je me suis donc rendu en Camargue pour voir quelques joutes nautiques, par une belle journée ensoleillée (mais fraîche!). Les bateaux des adversaires avancent lentement, sous l'effort des rameurs. Perchés sur leur estrade, les 2 jouteurs se font face: il va falloir les photographier au bon moment, lorsque les lances se croisent et que l'un d'entre eux tombe à l'eau!
Dans ces conditions ne relevant pourtant pas du sport extrême, le Leica X1 montre qu'il relève plus du compact que du réflex dont est tiré son capteur. L'allumage prend plus d'une seconde, et l'on devra donc faire attention à ne pas mettre son appareil en veille à l'approche du moment crucial.
La mise au point autofocus se fait classiquement par détection du contraste sur ce type d'appareil. On est donc loin de la réactivité d'un réflex, que l'on simule plusieurs collimateurs ou bien que l'on se contente d'un unique collimateur – virtuel – central. Contrairement au M9, le passage en mise au point manuelle ne permet pas de vraiment reprendre le contrôle: il faut bien des tours sur la petite molette pour arriver à trouver le plan de netteté, et l'écran n'est pas suffisamment discriminant, malgré le mode loupe. A réserver aux sujets statiques donc.
En plein soleil, l'écran devient par ailleurs quasi illisible, et son angle de vision réduit ne permet pas de photographier au-dessus de la foule. On pourrait certes recourir au viseur optique optionnel pour cadrer, mais celui-ci ne disposant d'aucun report d'information, il faut alors se contenter de la petite diode verte pour s'assurer que l'autofocus a bien accroché le sujet.
Vient alors le moment de déclencher, et là encore, malheureusement, le X1 manque cruellement de réactivité. Pour parvenir à capturer la chute des jouteurs, il faut anticiper et déclencher "à l'aveugle". Mais l'appareil est vite limité par sa rafale de 4 images seulement en mode RAW. Déclencher un peu trop tôt ou un peu trop tard, et l'on manque le clou de l'action. En mode normal "Single Shot", l'appareil manque toujours de réactivité entre 2 vues.
Le mode lecture diffère de celui du M9, avec des infos superposées à l’image plutôt qu’à côté. L’histogramme, en bas à droite, est minuscule.
Le manque de vélocité de l'électronique est beaucoup plus criant sur le petit X1 que sur le M9. Sur ce dernier, on anticipe la mise au point grâce au viseur télémétrique, et la latence du déclencheur est très faible.
En un mot, le X1 n'est pas fait pour la photo "sur le vif", et fera plutôt office de superbe bloc note de reportage. Dans ces conditions, il délivre tout son potentiel. Le capteur APS-C de 12 MPixels, produit par Sony et équipant de nombreux réflex (Nikon D90, D5000 etc.) est ici parfaitement exploité, et se marie à merveille avec l'optique très piquée. Les mages sont très propres, et l'on peut monter sans crainte jusqu'à la sensibilité maximale de 3200 ISO.
L'objectif équivalent 35 mm est une focale classique du photoreportage, permettant de photographier tour à tour du paysage ou du portrait en plan un peu large. La résistance au flare est excellente: même avec une source lumineuse dans le champ, le contraste ne faiblit pas. Sur ce point, Leica est fidèle à sa réputation!
Classiquement chez Leica (depuis le M8), la balance des blancs est perfectible, notamment par temps nuageux où le rendu devient rapidement très froid. Mieux vaut donc la corriger, soit grâce aux préréglages, soit en post traitement.
La lecture des images sur l'appareil fait apparaître une interface différente du M9, plus grand public, avec un (petit) histogramme superposé à l'image plutôt qu'à côté. Dommage, j'aimais bien l'approche classique du M9, mais de toute façon, on aura mieux fait de contrôler ses photos chez soi sur un grand écran.
Le couple objectif / capteur étant parfaitement assorti, et les traitements particulièrement efficaces, on obtient des images qui rivalisent avec un réflex. Contraste et rendu des couleurs sont très bons et naturels.
Ready. Set…
… Plouf plouf.
Pas facile de capter l’instant décisif, le X1 manquant malheureusement de réactivité (autofocus et buffer pour la rafale)
A pleine ouverture, on conserve un très bon piqué, et l’on peut jouer un peu avec la profondeur de champ. Une optique plus ouverte (f/2 voire f/1.8) aurait cependant facilité la tâche.
Conclusion
Abstraction faite du prix, le Leica X1 avait tout de l'appareil de reportage parfait, prêt à compléter voire remplacer un encombrant réflex sur le terrain. Malheureusement, son manque de réactivité et la mise au point manuelle peu pratique nous rappellent qu'il s'agit avant tout d'un compact de luxe, capable de produire de très belles images grâce à son grand capteur.
Il y a finalement deux façons de voir le Leica X1. Soit comme un petit M9 qu'il n'est malheureusement pas. L'ergonomie, le plaisir de la visée, la mise au point douce sur la bague des objectifs, la capacité à figer la scène en toute discrétion restent l'apanage du télémétrique. Soit comme un bloc note compact et qualitatif, qui se glisse dans n’importe quel sac.
Me concernant, après avoir goûté au M9, il m'est difficile de craquer pour le X1 qui ne peut en être un ersatz. Mais si vous choisissez en connaissance de cause, alors ce petit X1 vous ravira par son approche simple et sa qualité d'image. En attendant le Fuji X100, qui semble relever la barre...
Jean-François – DigitLife