Un maitre de la photo sorti de nulle part
Il y a des rencontres auxquelles on ne s'attend pas. Celle de Sergio Larrain, photographe chilien, est de celles-là.
Et pour cause : elle aurait pu ne pas avoir lieu. Photographe pendant seulement 20 ans, collaborateur à l'agence Magnum à partir 1961, il quitte à 40 ans le métier de photo journaliste en pleine ascension, refusant les règles d'un métier où, écrit-il : " la pression du monde journalistique - être prêt à sauter sur n'importe quel sujet tout le temps - détruit mon amour et ma concentration pour [ce] travail. "
Raconter ici en quelques lignes la vie et le travail de celui qui a fut une "météorite" dans le monde de la photo et qui finira sa vie dans un village des montagnes chiliennes semble d'ailleurs une gageure.
Né dans la bourgeoisie chilienne en 1931, à 20 ans il consacre -avec son premier appareil photo, un Leica - son premier reportage aux enfants abandonnés de Santiago. Il faut voir les images de ces gamins dormant par grappes, superposés. L'oeil s'y perd : détail de pieds et de mains. Larrain cadre serré et coupe les corps, les bras, contre toutes les règles de l'art. Il y développe, comme souvent chez les photographes, les fondamentaux de son style. Une série fondatrice. Comme cette image où l'on devine des enfants qui essayent de grimper. On les voit de dos, les jambes ballantes, se hissant tant bien que mal sur un mur. On ne voit pas les visages, on devine juste l'effort d'enfants laissés à eux-même, sans aide.
A partir de ce travail, il envoie quelques clichés au Musée d'art moderne de New-York. Une réponse de son directeur accompagnée d'un chèque finit de décider de son sort, une lettre dont il dira qu'elle fut comme l'apparition de la "vierge". Il arrive en Europe et livre une vision personnelle de villes traversées. Comme cette image apparemment banale prise à Londres, où des promeneurs tuent un après-midi d'automne. Entrée de champs, sortie de champs : harmonie graphique. Deuxième partie à suivre…
EXPO. Fondation Henri CARTIER-BRESSON « Vagabondages », Fondation Henri Cartier-Bresson, du 11 septembre au 22 décembre 2013, 2 impasse Lebouis, Paris XIV°, Renseignements sur le site www.henricartierbresson.org
LIVRE. Sergio Larrain, 200 photographies présentées par Agnès Sire, éditions Xavier Barral, 65€.